La Fondation HAVOBA compte de nombreux sportifs et sportives de renom en son sein. Des ambassadeurs qui vont prendre la parole dans une série d’interviews. Après Siraba Dembélé, c’est au tour de Karl Konan, champion d’Europe avec l’équipe de France de handball en 2024 de prendre la parole.
Vous êtes très engagé dans le développement du handball en Afrique. Pourquoi cela vous tient-il autant à cœur ?
Je pense que c’est une évidence pour moi. Je suis né en Côte d’Ivoire, j’ai grandi avec cette double culture, africaine et européenne. J’ai connu les réalités du terrain en Afrique, le manque de matériel, les difficultés d’organisation. Et ensuite, j’ai découvert un tout autre monde en France : les structures, l’encadrement, les opportunités. Ce contraste, je le porte en moi. Je suis à la fois témoin et produit de ces deux réalités.
Alors, naturellement, j’ai voulu être un pont. Aider, transmettre, soutenir les jeunes qui, comme moi à l’époque, ont des rêves mais pas toujours les moyens. C’est ce que je fais à travers mon association, HandByKarl, mais aussi avec HAVOBA.
Votre lien avec la Côte d’Ivoire est-il encore fort ?
Oui, totalement. J’ai commencé le handball en Côte d’Ivoire, j’ai été formé là-bas. À l’époque, on faisait avec les moyens du bord. Puis, vers 16-17 ans, je suis arrivé en France. J’ai passé des tests dans plusieurs clubs, j’ai été accepté, j’ai signé mon premier contrat pro. J’ai aussi eu la nationalité française. Ce n’était pas prévu, pas planifié. Je me laissais guider par la passion et le travail. À ce moment-là, l’opportunité de l’équipe de France s’est présentée, et je l’ai saisie.
Mais je n’ai jamais oublié mes racines. J’ai joué en cadet pour la Côte d’Ivoire. Ce sont mes premières émotions, mes premiers maillots. Aujourd’hui encore, je suis fier d’avoir ces deux nations dans mon cœur. C’est pour cela que je m’investis autant. Parce que je sais d’où je viens. Je suis devenu international français, je vais jouer au PSG, j’ai franchi des étapes… Mais ce qui me porte au quotidien, c’est aussi cette idée de transmettre, d’inspirer, de montrer que c’est possible.
Concrètement, que mettez-vous en place à travers votre association ?
Avec HandByKarl, on agit depuis quatre ans déjà. On a commencé par des dons dans les pouponnières, les orphelinats d’Abidjan. Puis on a organisé des stages, des semaines d’entraînement dans les quartiers défavorisés. Aujourd’hui, on est allé plus loin. On a formé une équipe locale avec une dizaine de coachs, qui animent chaque semaine des séances dans différents quartiers. On suit une vingtaine de jeunes dans leur scolarité, leur santé, leur quotidien. On les accompagne du mieux qu’on peut, humainement, sportivement et socialement. Ce n’est pas toujours simple, mais j’ai une équipe formidable qui prend le relais quand je suis pris par mes engagements professionnels.
On essaie aussi d’être présents sur le terrain. Moi, j’y vais presque chaque année. L’année dernière, je n’ai pas pu y aller à cause des Jeux, mais l’association s’est rendue sur place. Cette année, on repart le 28 juin pour une semaine de stage, mais aussi pour faire un point sur tout ce qu’on a mis en place, voir ce qui fonctionne, ce qu’on peut améliorer. On ne veut pas faire juste du don et partir.. On veut construire quelque chose qui tienne dans le temps.
Comment jugez-vous l’évolution du handball africain ces dernières années ?
Il y a eu une vraie évolution, c’est indéniable. Quand j’étais petit, on n’avait pas forcément cette visibilité. Aujourd’hui, on voit des nations comme l’Égypte qui portent haut les couleurs de l’Afrique au niveau international. Ils ont un vrai modèle structuré, une vision à long terme. C’est impressionnant et inspirant.
Dans les pays du Maghreb aussi, il y a une belle dynamique : la Tunisie, le Maroc, l’Algérie travaillent beaucoup sur la formation. En Afrique de l’Ouest, c’est plus compliqué. Le vivier est là, le talent est là, mais il manque les infrastructures, l’encadrement, les moyens. Pourtant, on sent une vraie volonté d’avancer. Il y a des efforts au niveau des fédérations, des clubs, des associations locales. Ce que je constate, c’est qu’il faut qu’on accompagne ce mouvement. La diaspora, les institutions, les sportifs engagés : on a un rôle à jouer pour que ces talents ne se perdent pas. La Fondation HAVOBA va dans ce sens là, et c’est pour cela que j’ai accepté le rôle d’ambassadeur.
Il y a de plus en plus de liens avec l’Europe, avec la France notamment. La Fondation HAVOBA en est le parfait exemple. Les échanges se multiplient, les regards changent.
Il faudra du temps, de la rigueur, des infrastructures… mais j’y crois. Moi-même, je suis un exemple de ce que le handball peut offrir comme chance. Et si je peux aider à créer d’autres parcours comme le mien, alors cela vaut tous les titres.